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Karen Erodi
Question N° 12929 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 14 novembre 2023

Mme Karen Erodi attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la paupérisation des travailleurs sociaux et médico-sociaux. Dans son « Livre vert 2022 du travail social », le Haut Conseil du travail social alerte pourtant sur cette paupérisation des salariés et soutient donc une revalorisation des salaires à hauteur de 30 % de l'ensemble des travailleurs sociaux afin de rattraper le différentiel entre l'inflation et le gel du point des deux principales conventions (66 et 51). Cette instance consultative placée auprès du ministre des affaires sociales énonce clairement qu'il y a « une urgence absolue à revaloriser l'ensemble des salaires, ne serait-ce que pour rattraper les effets de l'inflation de ces vingt dernières années ». Le rapport souligne également que ces revalorisations, bien qu'elles ne régleraient pas tous les soucis du secteur, sont « à mettre en place rapidement pour l'ensemble des travailleurs sociaux ». Mme la députée interroge donc M. le ministre sur ces hausses de salaires. Quand seront-elles mises en œuvre ? Les travailleurs des établissements de soins et médico-sociaux de France ne peuvent plus se satisfaire de leur situation. Depuis plusieurs mois la colère gronde à la Fondation Bon Sauveur d'Alby dans le département du Tarn. Près de 1 260 salariés travaillent dans cette institution privée à but non lucratif spécialisée dans la psychiatrie mais aussi dans divers domaines comme le handicap, l'autisme, les addictions ou encore la déficience auditive. Actuellement, plus de 300 salariés du Bon Sauveur ont un salaire inférieur au Smic et touchent une indemnité complément Smic. En outre, comme le souligne les syndicats CGT, FO, Sud et UNSA du Bon Sauveur qui tentent de faire bouger les lignes, trente-quatre salariés sont toujours exclus de l'indemnité de 183 euros prévue dans le cadre des accords Ségur-Laforcade signés en mai 2021. Une salariée n'a eu d'autre solution que de mettre sa vie en danger pour faire réagir sa direction et le Gouvernement. Elle a entamé une grève de la faim à la mi-octobre 2023. Cette situation n'est pas tolérable. Cette prime doit être attribuée à tous les salariés de manière pérenne et rétroactive ! Plus largement, les salariés sont à bout et n'ont plus le cœur à aller travailler pour des salaires insuffisants, dans des conditions de travail dégradées et surtout face à la perte de sens de leur métier de plus en plus tourné vers le rendement et la rentabilité plutôt que vers l'humain et le soin. Les établissements de santé sont dans une situation d'asphyxie budgétaire et ce sont les soignants et les patients qui en paient le prix fort ainsi que la psychiatrie en particulier qui est le parent pauvre du domaine de la santé. Elle lui demande à quand un réel projet de loi de financement de la sécurité sociale ambitieux et adopté suite à des débats et non imposé par l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Réponse émise le 12 mars 2024

L'attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement qui entend agir sur l'ensemble des leviers d'attractivité (accès à la formation continue, amélioration des conditions de travail et lutte contre la sinistralité…). La question spécifique de la revalorisation de ces métiers constitue une priorité tant dans le secteur public que dans le secteur privé. L'Etat, aux côtés des départements, a pris d'ores et déjà des décisions historiques en augmentant de 4 milliards d'euros les rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social. Au total, ce sont près de 700 000 salariés qui ont bénéficié d'une revalorisation de 183 € net mensuels, dont 500 000 environ au titre du Ségur et de la mission dite Laforcade. Suite à la conférence des métiers sociaux de février 2022, le Gouvernement a par ailleurs étendu ces revalorisations à 200 000 salariés de la filière socio-éducative. Que ce soit dans le secteur public ou privé non lucratif, les mêmes métiers et les mêmes critères d'éligibilité ont été retenus pour le bénéfice de la prime Ségur pour la filière socio-éducative. Pour la branche de l'action sanitaire et sociale, cette mesure a été transposée par les partenaires sociaux par l'accord du 2 mai 2022 qui a fait l'objet d'un agrément et d'une extension à l'ensemble de la branche. L'ensemble de ces mesures ont fait l'objet de travaux préparatoires qui ont largement associé à chaque fois les acteurs concernés (association des départements de France, partenaires sociaux, associations…). Des métiers en tension faisant face à des enjeux d'attractivité importants et nécessitant une action prioritaire de la part des pouvoirs publics bénéficient aujourd'hui d'un réel gain d'attractivité quant aux rémunérations proposées. Pour autant, il convient de poursuivre les actions menées à destination de l'ensemble des professionnels. Le Gouvernement est bien conscient que chacun et chacune contribue à la qualité de l'accompagnement. Dans le secteur associatif, le Gouvernement a permis l'élargissement des mesures de revalorisation salariale prises l'été 2022 dans la fonction publique (augmentation de la valeur du point d'indice) à l'ensemble des salariés du secteur social et médico-social, soit un effort d'1 milliard d'euros de l'Etat et des départements. Les fédérations employeurs ont transposé cette mesure en décembre 2022, application qui a été rétroactive au 1er juillet 2022. Au-delà de cette décision, il convient d'arriver, aux côtés des représentants des employeurs et des salariés, à la construction d'une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C'est la condition d'une revalorisation durable des parcours professionnels de l'ensemble des personnels du secteur, y compris techniques et administratifs Les discussions relatives à l'augmentation des rémunérations, et notamment les plus bas salaires, doivent pleinement prendre leur place dans le cadre de cette convention collective unique étendue. Le Gouvernement rappelle par ailleurs qu'une enveloppe financière était disponible dès 2023 pour une mesure bas salaires en préfiguration de la convention collective unique étendue. C'est au total 450 M d'euros cumulés sur 2023 et 2024 de financements de la sécurité sociale, qui ont été proposés par les pouvoirs publics pour permettre aux professionnels ayant les plus bas salaires de se voir revalorisés. L'opposition de certains partenaires sociaux à l'accord de méthode relatif à la négociation de la convention collective unique étendue n'a pas permis à ce stade de mettre en œuvre cette mesure bas salaires. Les négociations sont en cours. Mais il ne s'agit pas que d'une question de moyens, et l'enjeu de l'attractivité de ces métiers ne se résume pas à ces seules revalorisations. C'est une question de reconnaissance, de valorisation et de regard que la société porte sur ce qui fait sens collectivement. L'attractivité du secteur passera aussi par une transformation profonde des parcours professionnels et des voies d'accès aux métiers sociaux et médico-sociaux. Afin d'attirer tous les talents et de valoriser l'expérience acquise, le Gouvernement a engagé une réforme profonde des dispositifs de validation des acquis de l'expérience, soutient le développement massif de l'apprentissage, adapte les formations initiales et continues pour répondre aux évolutions des métiers, mobilise enfin les acteurs du service public de l'emploi pour permettre l'orientation et les reconversions des demandeurs d'emploi.  C'est l'ensemble de cette politique qui doit permettre de reconnaître la pleine valeur des professionnels mobilisés chaque jour aux côtés de nos concitoyens les plus vulnérables. Enfin, conformément à l'article 83 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, le ministère a remis un rapport au Parlement relatif à la mise en œuvre du Ségur de la santé et des accords dits « Laforcade ». Ce rapport identifie notamment les professions du soin, du médico-social et du social qui n'ont pas bénéficié des mesures de revalorisation et il présente des pistes pour améliorer la rémunération des personnels exclus et pour assurer plus largement l'attractivité de tous les métiers des secteurs sanitaire, social et médico-social.

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